Les sciences tentent de révéler les mystères de l’amour mais, fort heureusement, une grande partie de la magie reste inexpliquée.
La chimie de l’amour en 5 questions
Des neuroscientifiques ont analysé les cerveaux des amoureux. Sommes-nous simplement les marionnettes de nos hormones ? Si une partie du processus est chimique et inconsciente, il n’y a pas de déterminisme, ni de fatalité.
1 – L’amour, une simple question de phéromones ?
Pas seulement. C’est ce qui nous différencie des animaux. Les phéromones jouent un rôle dans l’attirance sexuelle, mais ils ne suffisent pas pour tomber amoureux. Plus les espèces évoluent, plus le choix du partenaire devient complexe. Le médecin psychiatre et sexologue Francesco Bianchi-Demicheli, a étudié la naissance du sentiment amoureux par imagerie cérébrale. D’après ses recherches, l’amour nait de manière inconsciente en moins d’un cinquième de seconde et active douze aires cérébrales. Notre cerveau tombe amoureux avant même que nous le sachions. Au-delà de l’émotion, toute une série de régions cognitives et intellectuelles s’activent et font de l’amour une des fonctions les plus évoluées du cerveau.
Pas d’hormones, pas de phéromones, pas de sexualité !
Le syndrome de Kallman se traduit par un déficit génétique de l’hormone clé dans la reproduction. Les personnes atteintes sont victimes de troubles de l’olfaction qui ne leur permettent pas de réagir aux phéromones et elles ne développent pas les caractères sexuels secondaires (pas de puberté, pas de libido). Elles ne rechercheront pas de partenaire à l’âge adulte et il n’y aura pas de reproduction. Ce type de patient est à priori génétiquement déterminé à ne pas connaitre l’amour au sens biologique du terme. Mais aujourd’hui on peut traiter cette déficience hormonale.
2- L’amour est-il programmé pour une durée déterminée ?
Non. Le film « L’amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder fait référence à la théorie controversée de la neurobiologiste Lucy Vincent. Le mécanisme amoureux serait ancré dans nos gènes et programmé pour durer trois ans. C’est le temps nécessaire afin que l’enfant apprenne à marcher et soit protégé par ses parents unis par l’amour. Nous aurions hérité ce comportement de nos ancêtres préhistoriques afin de veiller à la survie des espèces. Pour Francesco Bianchi-Demicheli, aucune preuve neurobiologique ne justifie cette théorie. C’est l’angoisse de l’amour-passion et toutes les connotations négatives qu’il comporte (la peur de l’attachement et la terreur de l’abandon) qui nous conduisent à fragiliser le couple. « Il faut accepter l’amour comme il est, le cultiver tous les jours et surtout, y croire ».
Pourquoi dit-on que l’amour rend aveugle ?
- Lors de la naissance du sentiment amoureux, le cerveau est dopé par des hormones.
- L’endorphine et la dopamine sont les neurotransmetteurs de la motivation et du plaisir. Ils nous permettent d’occulter les aspects négatifs et diminue le sens critique. Tout est bien dans le meilleur des mondes !
- Une fois la passion des débuts retombée, c’est plutôt l’ocytocine, l’hormone de l’attachement qui prend le dessus.
3- Si l’amour disparaît, pourquoi restons-nous en couple ?
L’ amour-passion des débuts évolue vers d’autres formes d’attachement. Lorsque la mère accouche ou lorsque nous faisons l’amour, nous produisons la même hormone, l’ocytocine, responsable du lien affectif. Si les premières réactions amoureuses physiologiques comme les papillons dans le ventre, les mains moites, le cœur qui bat la chamade disparaissent, avec le temps nous entretenons un lien plus profond avec l’être aimé. Certains gestes stimulent la sécrétion de l’ocytocine : se regarder dans les yeux, s’embrasser ou faire l’amour. Moïra Mikolajczak chercheuse à l’UCL a étudié cette hormone et affirme que« faire l’amour ou, à tout le moins, se témoigner physiquement de la tendresse est donc biologiquement nécessaire à la solidité du couple. »
Les hormones liées à l’amour
- dopamine et endorphine : hormones et neurotransmetteurs de la motivation et du plaisir.
- ocytocine : hormone de l’attachement impliquée dans l’accouchement et l’acte sexuel.
- testostérone : hormone du désir présente en plus grande quantité chez l’homme.
- prolactine : hormone anti-désir libérée après l’orgasme. Présente en plus grande quantité chez la femme, elle inhibe la dopamine.
- adrénaline : hormone et neurotransmetteur, elle fait partie du réflexe lutte/fuite.
4- Il y a-t-il une addiction à l’amour ?
Non. Pourtant sa force nous effraie parfois au point de le comparer à une drogue. Le docteur Stéphanie Ortigue dénonce ce raccourci. Parce-que le sentiment amoureux active la zone cérébrale motivationnelle impliquée dans les addictions, il y aurait une dépendance possible. Mais l’amour implique aussi les systèmes émotionnel et intellectuel. « Si l’amour était dangereux, cela se saurait. Il n’y a pas d’interdiction de conduire sous l’état amoureux ». Tout comme les autres fonctions cérébales, l’amour peut être touché par certains dysfonctionnements. Esther Hirch, sexologue à l’hôpital Erasme, décrit la dépendance psycho-affective par un besoin fusionnel de l’autre. Pour résoudre ce problème, il faut en chercher le sens historique qui se trouve généralement dans le vécu de la personne.
5- La magie de l’amour existe-t-elle encore ?
Oui! L’amour serait comme la musique. Les sciences explorent des notions satellites comme l’émotion, le plaisir, le désir, l’attachement ou encore le couple. Mais elles ne forment que les notes d’une partition, d’une symphonie, dont la beauté au final nous échappe. L’amour demeure un phénomène complexe à la fois social, psychologique, neurobiologique et philosophique. Il existe autant de types d’amour que d’individus. Mais pourquoi tombons-nous amoureux de telle personne et pas d’une autre ? La complémentarité des patrimoines génétiques ne semble plus être une réponse suffisante à l’heure actuelle, selon l’endocrinologue Hernan Valdes-Socin. Nous n’aimons plus uniquement pour procréer mais pour être heureux, pour la beauté du geste, celui de « regarder ensemble dans la même direction ».
Emilie Pommereau
Sources
– Francesco Bianchi-Demicheli, Stephanie Ortigue, Nisa Patel, Chris Frum and James W. Lewis, « Neuroimaging of Love: fMRI Meta-Analysis Evidence toward New Perspectives in Sexual Medicine », The Journal of Sexual Medicine, octobre 2010.
– Lucy Vincent, neurobiologiste, chercheuse au CNRS, « Petits arrangements avec l’amour », Odile Jacob, 2004.
– Hernan Valdes-Socin, Roberto Salvi, Albert Thiry, Adrian F. Daly, Franc¸ ois P. Pralong, Rolf Gaillard, and Albert Beckers, « Testicular Effects of Isolated Luteinizing Hormone Deficiency and Reversal by Long-Term Human Chorionic Gonadotropin Treatment », J Clin Endocrinol Metab, January 2009.
Merci au Dr. Esther Hirch, médecin sexologue au CHU Erasme et Brugman, spécialisée dans la sexo-analyse, le sexo-corporel et la thérapie de couple,
au Dr. Francesco Bianchi-Demicheli, médecin psychiatre, chargé de cours à la Faculté de Médecine, consultations de Gynécologie psychosomatique et sexologie dans les Hôpitaux Universitaires de Genève
et au Dr. Hernan Valdes-Socin, chef de Clinique, service d’Endocrinologie au CHU de Liège, clinicien-chercheur FNRS.